• Dynamiser la parole des acteurs

    O

    n ne peut réaliser des actions de formation sans tenter de comprendre les publics visés, les évolutions des collectivités territoriales en France depuis une trentaine d’année, ni la place qu’occupe ces formations dans le développement professionnel des agents de la fonction publique territoriale. Nous présentons donc succinctement ci-après le contexte dans lequel évoluent en France les collectivités territoriales depuis le début des années 1980, les processus d’adaptation qui régissent les collectivités et la place des actions de formation dans cet environnement.

     

    Le contexte

    Depuis les lois de décentralisation de 1982, les collectivités territoriales occupent une place de plus en plus visible dans la société française. Leur engagement dans la vie publique est important car il affecte la vie de millions de citoyens. Qui dit engagement dit également obligations redditionnelles. Dans toute société démocratique éclairée, l’ensemble des organes de la société est soumis à des contrôles. Contrôle du parlement, de la cour des comptes, du citoyen, des usagers, de la société civile, des médias. Comme le faisait remarquer à juste titre George Pompidou « une administration qui ne se fait pas comprendre immédiatement et sans interprète ne remplit pas sa fonction » .

    La question est cruciale car elle engage, une fois encore, l’avenir de la société. A fonctionner dans l’opacité, on risque de créer de clivages et des tensions tels que l’équilibre social de la société risquerait d’être menacé. « Perestroïka et glasnost », martelait dans les années 1980 Mikhaïl Gorbatchev, alors Secrétaire général du parti communiste soviétique. Sans cette ouverture et cette transparence, jamais le mur de Berlin ne se serait effondré, jamais l’empire soviétique ne se serait morcelé, jamais la société civile n’aurait été aussi présente qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les collectivités territoriales françaises sont désormais soumises à ces deux piliers de la démocratie que sont l’ouverture et la transparence. Le public n’est pas au service des services publics. Ce sont ces derniers qui sont au service du public et, partant, de l’intérêt général. 

    La globalisation soudaine, parfois subie, parfois acceptée, régulièrement débattue entraîne de nombreuses conséquences sur le travail des collectivités, en particulier sur le partage des connaissances et des expériences non seulement entre les collectivités françaises mais aussi avec leurs consœurs européennes et ailleurs dans le monde. Il n’y a qu’à assister aux conférences et débats organisées chaque année par l’Institut de Management public et de gouvernance territoriale d’Aix-Marseille pour s’en convaincre.

                Depuis deux ans, la crise financière secoue la planète comme pour en faire tomber les fruits pourris. Mais en la matière il n’y a pas de frappe chirurgicale. Et tout le monde en ressent les effets. A commencer par les agents des collectivités territoriales : réduction budgétaire, non reconduction des contrats à durée déterminée, non remplacement des départs à la retraite, évolution des carrières (avec la suppression des catégories C par exemple), réduction des effectifs, externalisation, etc.

     

    Une nécessaire

    adaptation

    Si le contexte économique et politique a connu des bouleversements sans précédent au cours des trente dernières années, cela va de pair avec les changements technologiques qui marquent la planète depuis le milieu des années 1980. Les technologies de l’information et de la communication, notamment Internet et le Web, portent en elles-mêmes des notions qui impactent sur le travail des collectivités territoriales : rapidité, réduction du temps et de l’espace, recherche de l’efficience et de l’efficacité, avec en contrepartie la diminution du nombre d’agents, le développement du guichet unique, des tensions sociales persistantes, des choix technologiques mal compris, des stratégies mal expliquées, des relations hiérarchiques alourdies, etc.

     

    Les agents des collectivités territoriales doivent s’adapter à de nouveaux modes de travail. Les téléchargements prennent le pas sur la relation physique qui s’établit dans un bureau, derrière un guichet entre un usager et un agent. Dans certaines villes, en France, en Europe, réapparaissent les bureaux du temps qui marquèrent le continent européen de la Renaissance au XIXème siècle. A la différence qu’il ne s’agit plus là de régler l’heure d’un octroi mais de déterminer, dans un monde qui fonctionne 24 heures sur 24, globalisé, concurrentiel et capitalistique depuis la disparition du communisme (même s’il reste ça et là quelques ilots perdus comme Cuba et la Corée du Nord), les meilleurs plages horaires d’ouverture des bureaux, des guichets afin de satisfaire le « client » (appelé autrefois l’usager, l’utilisateur, le bénéficiaire des services publics universels). Et quid des relations entre la métropole et les territoires et départements d’outre-mer où le décalage horaire peut atteindre jusqu’à douze heures ? L’offre technologique est telle qu’elle balaie d’un clic la frontière temporelle qui a relié les hommes pendant des millions d’années. Les effets sont sensibles : perte de repères, tensions, mal-être professionnel, voire suicides dans certains cas (comme chez Renault par exemple). La parole tend à disparaître au profit du SMS, du courriel. Et quelle parole ? Non pas la parole professionnelle qui continue bon an mal an de subsister mais au prix de raccourcis et souvent d’incompréhensions, de qui pro quo, de contre-sens, mais la parole humaine, du contact, la parole sociale qui permet aux individus de décompresser. Dans un monde qui a épousé une dynamique nouvelle, l’adaptation passe nécessairement par la formation.

     

     

    La formation

    au cœur du dispositif

                C’est dans ce contexte que s’inscrit la formation que l’on pourrait résumer en une phrase : retrouver la parole, écrite et orale, en interne et en externe. Permettre aux agents de comprendre leurs actes, satisfaire les besoins des usagers, expliquer à la société, par le biais des médias, le rôle des collectivités territoriales.

     

    L’expression de la parole est vitale: « Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai rien dit, je n’étais pas catholique; quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste; quand ils sont venus chercher les communiste, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste; quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher et il n’y avait plus personne », a écrit le pasteur Martin Niemöller, opposant allemand emprisonné dans les camps entre 1937 et 1945 par un régime qui dès sont arrivée au pouvoir en 1933 chercha à museler la liberté d’expression et de contestation. Niemöller ne fait rien d’autre que de dire une vérité immuable: l’expression de la parole est essentielle pour soi mais aussi pour la collectivité (dans l’histoire des hominidés, les exemples sont légion, à commencer par la première « gestion de projet » : la partie de chasse qui permit à l’espèce de survivre à une très longue période glaciaire). Sans cette expression, c’est la survie même des agents, des collectivités, de la relation à l’usager, du tissu social qui est menacée.

     

                Comprendre le monde, et en particulier les médias, vient en complément de cette démarche. Les formations proposées (Ecriture journalistique, Réaliser une interview, Media training) ont pour objectif de perfectionner les capacités des agents à communiquer en externe, vers les médias et, partant, vers l’ensemble de la collectivité. L’écrit et l’oral, le verbal et le non verbal sont explicités par des apports théoriques mais surtout par des exercices pratiques et des débats au cours desquels les agents partagent, parfois de manière édifiante, leur expérience. Servir les médias oui, mais aussi se servir des médias en s’engageant (encore !) dans une relation équilibrée à double sens.

     

    En interne, les formations (Plan de communication interne, Outils de la communication interne, Journal interne) tentent de répondre avec pertinence aux problématiques évoquées plus haut. Les participants confrontent leurs expériences, leurs espoirs et leurs déceptions en la matière. Dans cette compréhension des règles de la communication interne s’inscrit en filigrane l’expression de la parole des agents de l’ensemble des services, la transparence et l’ouverture en interne. De nombreux agents se sentent parfois frustrés de ne pas « savoir où ils vont ». Ce fut le cas de La Poste dans les années 1990, marquée par des grèves à répétition. Face à cette « fronde », la direction décida alors de lancer de grandes campagnes d’explications décentralisées en interne pour dérouler les changement stratégiques aux agents. Là aussi, la professionnalisation des agents est une condition indispensable pour fluidifier et expliciter l’information en interne.

     

                Enfin ces formations permettent aux participants d’améliorer leurs compétences et leur crédibilité, de professionnaliser leur savoir-faire (et aussi leur savoir-être) tout en enrichissant dans le même temps les connaissances du formateur. Enfin, et peut-être surtout, l’expérience acquise par les participants lors de ces formations permet à ces derniers de les partager avec leurs collègues de toutes catégories, y compris les représentants des directions et les chefs de service.

                 


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