• Jean Ely (1928-2012): le rideau s'est fermé

    Jean Ely tenant une des milliers de plaques du studio Ely: la mémoire de toute une région et de l'histoire de la photographie (photo OJ)

     

    Le photographe Jean Ely, qui pendant près de 70 ans a couvert l'actualité d'Aix-en-Provence et sa région, a été inhumé ce samedi 29 décembre dans la plus stricte intimité familiale.

    « On la double ! »: cette injonction, Jean Ely, décédé le 26 décembre 2012 à la clinique de Saint-Thomas d'Aix-en-Provence, à l’âge de 84 ans, après une longue maladie, l’a prononcée des milliers de fois au cours de sa longue carrière de photographe. « On la double », disait-il avec affabilité quand il fallait faire un deuxième cliché. Grande silhouette longiligne, le visage aquilin, le cheveux frisé court, l’œil aux aguets, vêtue d’une gabardine, portant son Leïca en bandoulière : pendant plus de 70 ans il a arpenté, les rues d’Aix et de son pays. Il connaissait tout le monde et tout le monde le connaissait. Avec respect on l’appelait: « Monsieur Ely ».

    La légende veut qu’il n’ait vu que trois médecins au cours de sa longue vie : à  sa naissance, à l’armée et ses dernières années lorsque la maladie s’est déclarée.

     

    Une lignée remontant à 1888

    Il apprend le métier avec son père, Hugo, qui lui-même l’avait appris avec son propre père Henri. C’est ce dernier d’ailleurs qui ouvrit le studio Ely en 1888, appelé alors « Le comptoir photographique aixois ». Plus tard, il s’installera au passage Agard en haut du cours Mirabeau à Aix.

    Jean Ely aura participé à l’histoire de la photographie, tout comme, d’ailleurs, il aura été lui-même un des acteurs de cette histoire en noir et blanc puis en couleurs.

    Des plaques de verre au numérique (qu’il n’utilisait pas, préférant l’argentique) en passant par la pellicule, il a pris des milliers de clichés, comme ses aïeux. « 120 images par jour », déclarait, il y a quelques années, Jean-Eric Ely, le fils de Jean, qui poursuit l’œuvre photographique. Toutes ses images sont conservées précieusement et constituent l’un des fonds photographiques les plus intéressants de France.

    Outre d’avoir été au premier plan de l’histoire de la photo, le studio Ely fut également le réceptacle visuel de l’histoire tout court.

    Bien sûr, l’histoire locale avec ses acteurs politiques, ses manifestations, ses associations mais aussi l’histoire du monde: le tremblement de terre de Rognes de 1909; Winston Churchill peignant la Sainte-Victoire (cliché pris à la dérobée par Jean où on voit l’ancien Premier ministre britannique, chapeau vissé sur la tête, cigare en bouche, palette et pinceaux en mains), les cadavres des résistants pendant la deuxième guerre (dont Jean et son père firent des photos clandestinement « pas pour le scoop », dira-t-il, « mais pour constater, pour identifier ») ; le festival lyrique d’Aix (qui voit défiler chaque année les plus grands artistes de la scène internationale) ; l’avant-dernière exécution publique en France (Sarret en 1934 où il fallut ruser et « planquer » toute la nuit dans un appartement surplombant la place); les rencontres internationales (comme celle entre Sylvio Berlusconi et François Mitterrand en 1994 à l’occasion du 15ème sommet franco-italien), pour ne citer que celles qui nous viennent en mémoire.

    Il définissait ainsi une « bonne photo» : «techniquement, il faut qu’elle veuille dire quelque chose » .

    Dommage qu’on ne puisse pas doubler la vie.

    Olivier Jacoulet

    Sources : archives personnelles.


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